La journée de carence dans la fonction publique : quels effets sur l’absentéisme ?

Bureau moderne avec papiers et badge de l'employe

Introduite en 2018, la journée de carence impose aux agents de la fonction publique un jour non rémunéré en cas d’arrêt maladie. Cette mesure, après avoir été suspendue puis rétablie, suscite toujours des interrogations sur son efficacité réelle.

Les chiffres du ministère de l’Éducation nationale montrent une évolution contrastée de l’absentéisme depuis la mise en place de ce dispositif. Les syndicats dénoncent un risque d’inégalités, tandis que des études statistiques peinent à trancher sur un éventuel effet dissuasif. L’évaluation précise de l’impact de ce mécanisme soulève encore de nombreux débats parmi les acteurs concernés.

Comprendre la journée de carence dans la fonction publique

La journée de carence dans la fonction publique correspond à ce jour d’absence pour maladie qui, depuis 2018, n’est pas payé aux agents publics placés en arrêt. Tous les agents relevant de l’État, des collectivités territoriales ou de la fonction publique hospitalière sont concernés. Ce dispositif, calqué en partie sur le délai de carence du secteur privé, vise à rapprocher les pratiques, tout en suscitant de vifs débats.

Si le privé applique généralement trois jours de carence, la fonction publique s’en tient à un seul. En pratique, ce jour non rémunéré s’applique à chaque arrêt maladie ordinaire, touchant une population massive : selon l’INSEE, pas moins de 5,7 millions d’agents sont concernés en France. L’intention affichée : limiter les arrêts jugés excessifs, mais la réalité est plus nuancée, car chaque agent subit immédiatement une perte sur sa fiche de paie.

Cette règle concerne uniquement les congés de maladie ordinaire. Les arrêts pour affection longue durée ou maternité échappent à la mesure. L’application de la carence dans le public soulève alors plusieurs questions : sur la justice dans le traitement des arrêts, le réel impact sur les comportements, et la façon dont cette mesure est perçue par ceux qui font vivre le service public. Certains dénoncent une stigmatisation des agents malades ; d’autres craignent que les démarches se complexifient inutilement.

Voici ce qui distingue ce dispositif :

  • Un cadre propre à la France, alors que la plupart des pays européens n’y ont pas recours.
  • Une séparation stricte entre maladie ordinaire et autres types de congés liés à la santé.
  • Un point récurrent lors des discussions sociales et des négociations de statut.

En somme, la journée de carence réactive la question de l’équilibre entre la lutte contre l’absentéisme et la préservation d’une protection sociale adaptée aux agents du secteur public.

Quels mécanismes influencent l’absentéisme chez les enseignants ?

L’absentéisme dans l’éducation nationale n’est pas qu’une affaire de statistiques. Derrière chaque absence, il y a des réalités humaines : surcharge de travail, pression quotidienne, exposition constante aux conflits dans les établissements. Les enseignants naviguent entre conscience professionnelle et contraintes parfois écrasantes, ce qui influe sur leur santé.

Le présentéisme reste fréquent : nombre d’enseignants se rendent au travail malades, par loyauté envers leurs élèves ou pour éviter de désorganiser leur équipe. À l’inverse, la fatigue chronique, le stress, la gestion de classes difficiles ou l’affectation en réseau d’éducation prioritaire augmentent les recours au congé maladie. Des locaux vétustes, des classes surchargées, le manque de ressources : tout cela fragilise davantage.

Plusieurs situations concrètes se retrouvent dans la réalité du terrain :

  • Absence pour maladie : elle survient souvent pour des maux bénins, mais aussi face à l’épuisement ou à des troubles psychiques liés au métier.
  • Arrêt maladie : il sert parfois de soupape, quand la charge de travail dépasse le supportable.
  • Effet de la journée de carence : si certains hésitent à poser un arrêt court à cause de la perte de salaire, la réalité du métier, elle, ne se réduit pas à cette incitation financière.

La santé des enseignants dépend d’un équilibre fragile entre reconnaissance, mission et conditions d’exercice. L’absentéisme n’est jamais un simple chiffre : il ouvre une fenêtre sur les difficultés et sur la tension qui marque le quotidien dans le secteur public.

Ce que révèlent les chiffres : données et tendances récentes dans l’Éducation nationale

Les données de l’INSEE dessinent un tableau contrasté. Dans la fonction publique, le taux d’absences pour congés maladie ordinaire demeure supérieur à celui du secteur privé. Depuis la remise en place de la journée de carence dans la fonction publique en 2018, la fréquence des absences, notamment les arrêts courts, a légèrement reculé.

En revanche, la durée moyenne des absences ne bouge guère. Les agents de la fonction publique de l’éducation nationale posent moins de petits arrêts, mais les épisodes longs restent aussi fréquents. Cette évolution traduit un déplacement : les absences brèves, freinées par la perte de salaire, laissent place à des arrêts plus longs, prescrits par le médecin quand la situation l’exige vraiment. La question de l’effet carence se pose alors différemment.

Quelques tendances ressortent nettement :

  • Pour 2022, l’INSEE observe une légère diminution des absences de moins de trois jours dans l’éducation nationale.
  • La part des absences dépassant deux semaines reste stable.

Face à la règle, les agents s’ajustent, mais la baisse globale de l’absentéisme reste discrète. Les arrêts maladie dans l’éducation nationale évoluent : il y a moins d’absences courtes, mais les arrêts longs perdurent, et c’est toute l’organisation du service public qui en supporte la charge.

Couloir d un bâtiment gouvernemental avec chaises vides

Entre efficacité attendue et limites constatées : bilan du jour de carence sur l’absentéisme

Le jour de carence dans la fonction publique visait à responsabiliser les agents, réduire les arrêts maladie courts et rapprocher le secteur public du secteur privé. Les premiers constats, relayés par l’INSEE, montrent que si la fréquence des absences brèves a reculé, les absences longues restent au même niveau, laissant inchangée la pression sur les équipes.

Ce délai de carence agit comme une barrière : certains renoncent à poser un congé maladie de courte durée, redoutant l’impact sur leur salaire. Mais cela entraîne un autre phénomène, plus discret : le présentéisme. Des agents viennent travailler alors qu’ils sont malades, retardent la décision de consulter, et risquent parfois d’aggraver leur état de santé. Ce coût humain, bien réel, ne figure dans aucune colonne des rapports officiels.

Plusieurs aspects méritent d’être soulignés :

  • Dans le secteur public, ce sont souvent les agents aux revenus les plus modestes, en particulier dans l’éducation nationale ou à l’hôpital, qui subissent de plein fouet la mesure.
  • L’impact financier du jour de carence varie considérablement selon les situations individuelles.

Les syndicats, de leur côté, pointent une solution décalée des réalités du service public : la pression, l’épuisement et la spécificité des métiers rendent l’absentéisme plus complexe qu’une simple affaire de coût ou de discipline. Entre logique budgétaire et exigences du service rendu, le débat reste vif, et il irrigue encore aujourd’hui les discussions sur le sens du travail dans la fonction publique.

En filigrane, cette journée de carence continue de diviser, révélant la tension permanente entre gestion comptable et la vie réelle des agents. La question reste ouverte : quelle place donner à la confiance et à la solidarité dans l’organisation du travail public ?

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